Chroniques picardes (Picardy chronicles)
La Picardie est une terre de contrastes, où la beauté des paysages côtoie l’abandon. Meurtrie par de trop nombreuses guerres et le sang de millions de soldats déversé dans ses sillons, on y trouve encore des reliques des combats lors du labour. Beaucoup de ses villes et villages ont été rasés par la folie des hommes, avant d’être reconstruits souvent de manière remarquable.
La Picardie souffre d’une image négative mais inexacte, étape de la diagonale du vide où les emplois manquent et ses habitants se sentent délaissés par la capitale. Coincée entre le Grand Nord et l’Ile de France, elle n’est pas une destination touristique. Ses villages se paupérisent, de nombreux commerces de centre-ville ferment au profit de centres commerciaux anonymes. Elle regorge pourtant de trésors cachés, de paysages magnifiques. Sa campagne est douce et paisible, on y trouve encore des bocages et des vallons cachés. C’est une terre peuplée de vaches et d’éoliennes, la beauté et son contraire, encore.
Mélancoliques en hiver, souriants aux beaux jours, ces paysages semblent pourtant recouverts d’une fine pellicule de tristesse, grise et terne. Les pavillons se multiplient et défigurent les beaux villages où la brique rouge est reine. Cette déshérence a un corollaire positif pour l’explorateur que je suis : on y trouve encore de vieilles granges en bois et des constructions improbables, toutes droits sorties d’un film de science-fiction. Des automobiles rendues à la nature, mangées par les herbes folles. Mais aussi des chauffeurs routiers qui garent leur camion devant chez eux pour le week-end, une péniche abandonnée sur une mer d’herbes folles, après une croisière sans retour. Enfin de mystérieux rochers plantés au milieu des fougères, qui nous renvoient à des rêves jurassiques. Je me demande parfois si les gens qui y habitent regardent encore leur région, remarquent les détails insolites ou exotiques qui jalonnent mes promenades. Sûrement pas, ils ont sans doute autre chose à penser.
L’aventure n’est jamais loin dans cette contrée silencieuse, souvent épargnée par le bruit des hommes. Il m’a fallu du temps pour apprécier la Picardie, j’ai appris à l’aimer pour ce qu’elle est, un territoire rude, où les voisins sont tous vigilants, comme l’indiquent les panneaux à l’entrée des villages : comme partout, on se barricade dans des jardins clôturés, on se préserve des affres du monde extérieur. L’individualisme a gagné. La Picardie, enfin, est une promesse, celle d’explorer encore et encore cette terre méconnue par beaucoup, à la recherche de trésors cachés.
Picardy is a land of contrasts, where beautiful landscapes rub shoulders with neglect. Bruised by too many wars and the blood of millions of soldiers spilled in its furrows, relics of the fighting are still to be found when ploughing. Many of its towns and villages were razed to the ground by man's folly before being rebuilt, often in remarkable ways.
Picardy suffers from a negative but inaccurate image, stage on the diagonal of the void where jobs are lacking and its inhabitants feel neglected by Paris. Stuck between the Grand Nord and Ile de France, it is not a tourist destination. Its villages are becoming impoverished, and many downtown businesses are closing down in favor of anonymous shopping malls. It is full of hidden treasures and magnificent landscapes. The countryside is gentle and peaceful, with hidden hedgerows and valleys. It's a land of cows and windmills, beauty and its opposite, again.
Melancholy in winter, smiling in summer, these landscapes seem to be covered in a thin film of grey, dull sadness. Houses are multiplying and disfiguring the beautiful villages where red brick is king. This neglect has a positive corollary for the explorer in me: you can still find old wooden barns and improbable constructions, straight out of a science-fiction film. Cars returned to nature, eaten by weeds. But also truck drivers who park their trucks in front of their homes for the weekend, a houseboat abandoned on a sea of weeds, after a one-way cruise. Finally, mysterious rocks planted in the middle of the ferns, taking us back to Jurassic dreams. I sometimes wonder if the people who live there still look at their region, notice the unusual or exotic details that line my walks. Certainly not, they probably have something else to think about.
Adventure is never far away in this silent land, often untouched by human noise. It took me a long time to appreciate Picardy, and I've learned to love it for what it is, a rugged land where neighbors are all vigilant, as the signs at the entrances to the villages indicate: like everywhere else, people barricade themselves in fenced gardens, protecting themselves from the outside world. Individualism has won the day. Last but not least, Picardy holds the promise of exploring this little-known land again and again, in search of hidden treasures.